Notre musée regorge de trésors ! Entendons par là des œuvres et/ou des objets indispensables à la compréhension de notre passé et donc de notre histoire. On le sait, Visé fut grandement endommagée durant la Première Guerre mondiale. Son visage, défiguré, nous est connu via la propagande allemande (photographies, cartes postales). Tandis que sa physionomie « d’avant ‘14 » nous est notamment connue grâce aux peintures de divers artistes. C’est le cas des deux aquarelles ici présentées.
Camille RENARD
La première est due aux pinceaux de Camille RENARD (Liège, 1832—Bruxelles, 1921), artiste touche-à-tout. Né d’un père imprimeur-libraire et professeur d’Histoire de l’art et archéologie à l’Académie des Beaux-Arts de Liège et frère du dessinateur et caricaturiste Jules RENARD dit « DRANER », Camille ne pouvait que se lancer dans une carrière artistique. Doté d’un diplôme d’ingénieur civil (1854) et après un voyage d’études en France et en Allemagne où il put visiter les établissements industriels de la Ruhr, il devint directeur-gérant de la Société Métallurgique d’Andenelle (Andenne) dès 1856. Il fonda ensuite, avec son beau-père, « STEINBACH & Co », une manufacture de produits réfractaires de Seilles. Puis il racheta l’atelier de porcelaine LAPIERRE à Andenne ; il y sera rejoint par des porcelainiers et décorateurs sur porcelaine réputés, français et belges. La production (services de table en porcelaine, vases, statuettes…) est remarquable, mais peu fonctionnelle. En 1862, la Société de Seilles est dissoute tandis que l’atelier de porcelaine d’Andenne, peu rentable, est repris. Camille RENARD est alors engagé comme décorateur aux cristalleries du Val Saint-Lambert jusqu’en 1901.
L’enseignement le comblera également : professeur de manipulations chimiques à l’Ecole des Mines de l’Université de Liège, d’Esthétique et d’Histoire de l’art à cette même université et professeur d’Histoire de l’art et archéologie à l’Académie des Beaux-Arts de Liège. Camille RENARD sut aussi manier le crayon avec dextérité et réalisa aquarelles, huiles et pastels. Il participa même à des expositions collectives, à Liège et à Bruxelles où il s’éteindra en novembre 1921. En aquarelle, ses sujets de prédilection sont les paysages et leurs variations de luminosité. Cette technique, qui requiert une relative rapidité d’exécution, n’enlève rien à la minutie et au souci du détail dont sait faire preuve l’artiste. La mer du Nord, la vallée de la Meuse, les paysages forestiers font partie de sa production. Ses oeuvres sont signées, soit du monogramme « CR » où le R est inclus dans le C, soit « CRenard ».
Joseph CAMBRESIER
La seconde oeuvre est due à un artiste d’origine visétoise, Joseph CAMBRESIER (Lixhe, 1861 – Liège, 1932). La S.R.A.H.V. publia en 1999 (et toujours disponible) une monographie, ainsi que divers articles le présentant. Bien qu’ayant suivi des cours du soir à l’Académie des Beaux-Arts de Liège, Joseph est un autodidacte. Il compte à son actif de nombreuses aquarelles, quelques peintures à l’huile et plusieurs peintures sur vitrail, réalisées dans les ateliers de Joseph OSTERRATH. Il est à noter que son frère Jean (Lixhe, 1856 – Liège, 1928) fit ses armes de peintre-décorateur sur porcelaines dans l’atelier de Désiré LAROCK, l’un des collaborateurs de Camille RENARD à Andenne-Seilles. Nous aurons l’occasion de reparler de cette technique artistique dans une prochaine « notice ».
L’oeuvre ici détaillée de Camille RENARD, et exposée au musée régional d’Archéologie et d’Histoire de Visé depuis de nombreuses années, est une aquarelle représentant le rivage de Meuse à Visé avec l’Hôtel de Ville, les maisons de la rue de l’Eau et la Collégiale. Cette représentation date d’avant la tragédie d’août 1914 où la ville de Visé fut détruite aux deux tiers. La Meuse est très claire : l’on y voit les bâtiments s’y refléter.
L’aquarelle de CAMBRESIER, acquise en 2019 en vente publique, est exposée dans le bureau des employé s du Musée régional. La vue semble prise du pont routier actuel et non de la rive devant-le-pontoise. Devant nous, trois maisons en enfilade, également visibles sur l’aquarelle de RENARD. Ces maisons, situées en contre-bas de la maison communale, n’existent plus. Un train à vapeur fait son entrée à Visé, sur la ligne Liége-Maestricht mise en service en 1861. Son arrivée ne semble pas le moins du monde perturber le troupeau d’oies, symboles de Visé. Si l’oeuvre est légendée « Visé 1914 » dans le coin supérieur gauche, il est vraisemblable qu’elle ait été réalisée après la tragédie, dans le but de booster le moral meurtri des habitants.
(Marylène Zecchinon co-conservatrice)