Sudpresse avait saisi le tribunal de l’Entreprise de Namur d’une action contre Vincent Herregat (dit Vincent Flibustier) et sa société commerciale Vincestonian, société de droit estonien (son siège est situé à Tallinn – Estonie) qui exploite la page FB Nordpresse.be et le site internet Nordpresse.be (dont Vincent Herregat est l’initiateur originaire et auteur).
Sudpresse reprochait à Nordpresse d’avoir posé des actes de concurrence déloyale en dénigrant publiquement Sudpresse et en menant une campagne en ligne pour appeler les annonceurs publicitaires au boycott du groupe Sudpresse.
Sudpresse réclamait la condamnation de Vincent Herregat et de sa société à faire cesser cette campagne ainsi que toute autre information.
En réaction à l’action de Sudpresse, Vincent Herregat et sa société demandaient au tribunal de se déclarer incompétent en la matière et de renvoyer la cause au tribunal de première instance. Et, à titre subsidiaire, de déclarer irrecevable toute interdiction d’expression pour l’avenir.
Par la voix du juge Herbecq, le tribunal de l’Entreprise s’est déclaré compétent pour traiter le litige.
Il a écarté l’action à l’encontre de Vincent Herregat (dit Flibustier) en personne propre.
Il a par contre condamné sa société Vincestonian pour dénigrement et acte contraire aux pratiques honnêtes du marché. La campagne litigieuse devra disparaître du site et de la page Facebook sous peine d’une astreinte de 10.000 euros par jour. Nordpresse est également condamné à publier le jugement sur le site Nordpresse et sur sa page Facebook pendant 60 jours, sous peine d’une astreinte de 10.000 euros par jour.
Pas de caractère social, sociétal ou militant reconnu à Nordpresse mais un objectif financier confirmé par un exode dans un paradis fiscal
Le tribunal précise que la société Vincestonian n’est pas une association qui aurait un but social ou sociétal comme le plaidait son avocat, Me Englebert, ni une ONG militante. Mais qu’il s’agit au contraire d’une société commerciale, comme le plaidaient les avocats de Sudpresse, Mes Berenboom et Carneroli, dont le but est de procurer des bénéfices à ses actionnaires en vendant des emplacements publicitaires sur son site.
On peut notamment lire dans le jugement : « Le fait que la SPRL Nordpresse Productions, dirigée et contrôlée par V. Herregat, ait cédé le site Nordpresse.be et la page Facebook « Nordpresse » à une société estonienne que V. Herregat contrôle également, est à cet égard révélateur : l’optimalisation fiscale à laquelle il s’est, ce faisant, livré, situe clairement l’activité de la société Vincestonian dans la sphère économique et non dans la sphère philanthropique. »
Le tribunal a donné foi aux avocats de Sudpresse, qui avait « affirmé avec une certaine vraisemblance », peut-on lire dans le jugement, « que l’Estonie est un paradis fiscal pour les entreprises, ce que ne V. Herregat et la société Vincestonian ne contestent pas dans leurs conclusions ».
Le tribunal a constaté que Vincestonian et Sudpresse sont des sociétés concurrentes puisqu’elles publient toutes deux des informations « ce qui a pour conséquence de générer des visites sur leur site internet afin de vendre des espaces publicitaires à des annonceurs. » « La société Vincestonian a donc tout intérêt à faire le buzz pour générer un maximum de visites sur son site », précise le jugement. « Elle a également intérêt à ce que les annonceurs, dont le budget publicitaire est nécessairement limité, se détournent de certains sites d’information pour tenter d’attirer ces annonceurs dans son giron et augmenter par là-même ses revenus. »
Nordpresse s’est livré à du dénigrement et des pratiques malhonnêtes à des fins purement commerciales
Là où Nordpresse plaidait la liberté d’expression pour justifier sa campagne anti-Sudpresse, le tribunal a conclu, dans un jugement hautement motivé, que Nordpresse avait bien mené une campagne de dénigrement commercial à l’égard de Sudpresse et commis des actes contraires aux pratiques honnêtes du marché pouvant porter atteinte aux intérêts professionnels de l’entreprise concurrente.
Nordpresse porte atteinte à la liberté d’expression de Sudpresse
On notera par ailleurs l’analyse du tribunal qui précise encore : « Le comportement de la société Vincestonian est, en outre, critiquable parce qu’il tend notamment à voir modifier la ligne éditoriale de journaux et donc à porter atteinte à la liberté éditoriale de ces journaux et, par voie de conséquence, à la liberté de la presse (un organe de presse n’étant plus libre s’il ne dispose pas de ressources financières suffisantes pour fonctionner normalement). » (…) « Entreprendre une campagne de dénigrement pour assécher les revenus d’un organe de presse s’il ne modifie pas sa ligne éditoriale, alors qu’on est soi-même un concurrent de l’organe de presse en question, n’est pas admissible. », dit encore le jugement