Non, ce n’est pas le d’Artagnan imaginé par le grandissime Alexandre Dumas mais bien le mousquetaire réel.
Nommé gouverneur de Lille en 1672, d’Artagnan alias Charles de Batz de Castelmore d’Artagnan (il serait né aux alentours de 1610) n’appréciait guère cette fonction. Dans la soixantaine, il estimait qu’on lui devait le respect et certains « plus jeunes » de ses subalternes ne daignaient pas le saluer dans les règles dû à cet important personnage.
C’est pourquoi, il accepta de reprendre du service pour participer à la 2e année de cette guerre de Hollande (1672-1678). Il reprit le commandement des Mousquetaires royaux. L’objectif de cette fin de printemps était de s’emparer du verrou des Provinces Unies, la ville fortifiée de Maastricht.
Finement envisagée par Vauban, l’architecte militaire, la prise de cette ville fut l’objet d’une préparation minutieuse et les villages du Pays de Herve qui faisaient partie des Pays-Bas Espagnols furent soumis à un véritable racket de la part de Louvois, le ministre de la guerre du Roi de France, à l’époque l’invincible Louis XIV. Un message fut envoyé à toutes les communautés villageoises qui ressortaient des Pays-Bas espagnols dont le Comté de Dalhem. Sous peine de destruction, maints villages devaient fournir à la fois des vivres (du bétail entr’autres) et des hommes. D’une part, pour nourrir les troupes et d’autre part fournir de la main d’œuvre pour réaliser la nouvelle tactique que Vauban instaurait : la préparation des tranchées parallèles. En quoi cela consistait-il ? : des tranchées parallèles réunies par des chicanes et qui se rapprochaient de plus en plus de la ville assiégée. Les canons des remparts pouvaient tirer assez loin (la danger des premières tranchées) mais n’avaient plus aucun impact à courte distance (là où aboutissaient les plus proches tranchées des murailles). De là, les assiégeants pouvaient assez vite être proches des remparts et s’en emparer plus facilement. Cela conduisit lors du siège, (qui ne dura finalement que 13 jours) D’Artagnan avec la troupe d’élite des mousquetaire à s’emparer le 24 juin au crépuscule de la Porte de Tongres. A peine revenu de cette victoire, D’Artagnan et ses mousquetaires n’eurent pas le temps de se reposer car le matin suivant, le 25 juin 1673, les assiégés des provinces unies menèrent une contre-attaque. Et c’est là qu’intervint l’officier d’alerte du jour, Lord Monmouth, James Scott, un jeune lord anglais (1649-1685). Il faut savoir que jusqu’à l’année suivante, Anglais et Français étaient unis contre les Provinces Unies et les Pays-Bas Espagnols.
Ce dimanche 25 juin donc, avec son sens pointu de l’honneur, d’Artagnan suivit hors des tranchées parallèles le jeune et impétueux lord Anglais brisant toutes les consignes de prudence, se mettant ainsi que ses hommes à portée des mousquets maestrichtois. Une balle lui transperça le cou et plusieurs de ses hommes périrent pour le sauver. Est-il mort sur place ou l’a-t-on emmené agonisant à l’hôpital de campagne de Kanne. Toujours est-il qu’il fut probablement inhumé à Wolder, un des quartiers sur la rive gauche de Maestricht (probablement sous l’église actuelle, érigée par après !). Il est sûr que son corps ne fut pas rapatrié en France. Louis XIV fut fort attristé de la mort de ce compagnon de longue date = D’Artagnan m’était bon à tout . N’avait-il pas arrêté le puissant surintendant des finances, Nicolas Fouquet en 1661 et l’avait conduit dans la forteresse de Pignerol – Italie actuelle - en 1665
D’Artagnan passa-t-il dans le pays de Herve ? Oui et non. On sait qu’il fut un des émissaires du Cardinal Mazarin, quand il fut exilé au château de Bruhl, en Rhénanie (du printemps 1651 à janvier 1652). Pour résoudre la Fronde, la régente Anne d’Autriche fut forcée d’exiler son premier ministre un certain temps. La fronde tomba dans la chienlit et un homme providentiel fut rappelé au chevet de la France, le sieur Mazzarino.
La future Nationale 3 (Liège-Aix la Chapelle) ne fut pavée qu’au 18e s. mais il est sûr que tant Mazarin que son dévoué émissaire passèrent par Aix-la-Chapelle pour rejoindre Liège et atteindre la France. Passèrent-ils par les petits chemins proches de Herve ou prirent-ils un carrosse passant par la Visé-Voie passant par Vaals puis Visé……… Dans la route d’Artagnan, les cavaliers qui emprunteront les chemins actuels pourront aisément suivre les chemins creux et les chemins de cette époque reliant chacun des villages du bocage hervien. Rares sont les pavements à l’époque………..mais les chevaux avaient le sabot dur !
Nous vous recommandons le livre de l’auteure française, Odile Bordaz : sur les chemins de d’Artagnan et les mousquetaires (2005) qui mentionne plusieurs pages sur Visé, Liège et Maestricht, Edition Balzac, 285 pages.
Une dernière émission des Ambassadeurs relative au Pays de Herve a signalé la route équestre d’Artagnan. A suivre donc.
La TROIS (RTBF) présentera ce samedi 13 février à 21 h. un docu-fiction sur le vrai d’Artagnan et Arte au mois de mars présentera aussi une soirée thématique plus étoffée sur ce mousquetaire.
Jean-Pierre Lensen 25/1/2021