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Le Gouvernement fédéral va incessamment décider du sort du nucléaire. Pour Inter-Environnement Wallonie, le scénario aujourd’hui incontournable est celui de la sortie « par le haut » qui réclame l’accélération de la mise en œuvre des alternatives. C’est, d’après nos informations, ce que le nouveau rapport du Gouvernement semble d’ailleurs confirmer. Explication.
Prendre une décision dans le dossier nucléaire est devenu complexe pour les autorités qui ont trop trainé pour assumer la décision de sortie prise en 2003, et qui n’ont dès lors pas assuré une transition progressive et suffisante des alternatives. Il s’agit non seulement du renouvelable, mais aussi de la gestion de la demande, d’un réseau de distribution et de transport plus flexible et renforcé, d’une baisse des gaspillages…
Prolonger les réacteurs, un chemin pavé d’incertitudes
Imaginons que le Gouvernement fédéral décide d’ici la fin de l’année d’entamer les négociations avec Engie pour prolonger 2 réacteurs. Problème ! Engie a annoncé plusieurs fois avoir tourné la page nucléaire. Et les retours reçus des sites de Tihange et Doel confirment que cette décision est effectivement mise en oeuvre sur le terrain.
Un tel contexte est très loin d’être propice pour une négociation avec l’électricien et l’on doute qu’elle se fasse à l’avantage des autorités ! Pour appâter Engie, le président du MR, Georges Louis Bouchez propose de mettre sur la table les coûts de démantèlement des réacteurs et des déchets. Il s’agit d’un cadeau potentiel de plusieurs milliards € à charge de l’Etat et donc in fine du contribuable. Tout ça pour une prolongation inutile. En comparaison, les couts liés à l’arrêt du nucléaire comme le soutien octroyé à une centrales au gaz supplémentaire (~ 75 millions €/an) seront très faibles.
Pour clore le débat sur les coûts, rappelons que fermer les réacteurs affectera peu le prix de l’électricité comme l’objectivait une récente étude de l’UGENT. Les prix marginaux sont en effet fixés au niveau européen et nos 2 réacteurs n’ont qu’une influence limitée sur ceux-ci. « L’impact de la non-prolongation de Doel 4 et Tihange 3 a été évalué à une fourchette entre 4,2 et 12,6 euros (HTVA) par an pour une consommation moyenne d’électricité. A cela il faut ajouter le coût des subsides qui seront octroyés aux centrales au gaz ».
La prolongation n’évacue pas la question de la sécurité d’approvisionnement
Les deux réacteurs seront-ils disponibles au cours des hivers 2025-2026 ? Des travaux sont requis avant toute prolongation et il faut en outre recevoir le feu vert de la commission européenne, obtenir les permis environnementaux, et à nouveau un feu vert en termes de sécurité… Aucune de ces étapes n’est acquise d’emblée et chacune peut être la cause de retards conséquents.
Donc, décider de prolonger 2 réacteurs n’est pas une garantie que la sécurité d’approvisionnement est acquise pour les hivers 2025-2026… Au contraire.
Prolonger, c’est plus de déchet et plus d’insécurité.
Prolonger ces 2 réacteurs implique que plusieurs tonnes de combustibles usagers et de déchets nucléaires de haute intensité viendront se rajouter aux déchets existants… Nous n’avons toujours pas l’ombre d’une solution pour ces déchets hautement dangereux pour des milliers d’années... A la chambre en juin 2021, Thierry Saegeman, CEO d’Engie, précisait que l’entreposage des déchets sur le site durerait 80 ans…
La prolongation retardera irrémédiablement le début des travaux de démantèlement qui devraient eux, prendre plusieurs dizaines d’années. Engie, qui dispose aujourd’hui de peu d’expérience en matière de démantèlement, parle d’une échéance tournant autour de 2045. Il est bien sûr inimaginable de se lancer dans ce type de travaux sur un site encore en activité !
Enfin, ces deux réacteurs nucléaires construit pour durer 40 ans sont forcément moins fiables et donc potentiellement plus dangereux que des nouvelles installations. Le Conseil supérieur de la santé (CSS) est clair sur le sujet : « Le risque d’accident nucléaire grave ne peut donc pas être exclu et la Belgique présente à cet égard une vulnérabilité spéciale en raison des caractéristiques des sites concernés : situés près de grandes villes et axes de trafic international, réseau routier saturé et populations denses. (…) Le CSS estime que, vu la vulnérabilité particulière des sites belges, la poursuite de ce risque pendant 10 ou 20 ans supplémentaires pose des questions d’ordre environnemental, sanitaire et éthique. »
Le scénario de sortie du nucléaire en 2025
Le scénario d’une prolongation des réacteurs de Doel 4 et Tihange 3 est donc un chemin pavé de doutes, d’incertitudes et de risques.
Le scénario de l’arrêt des réacteurs pose indubitablement la question du climat. IEW est engagé de toute cette force dans cette lutte. Prolonger 2 réacteurs diminuera les émissions de CO2, mais pas dans les proportions défendues par les pro-nucléaires qui tentent de nous faire croire que ces 2 réacteurs sont au cœur de l’enjeu climatique. En fait, le débat sur la prolongation nucléaire qui représente 4% de notre production d’énergie est tout à fait secondaire. Et ce gain ne justifie pas le risque à prendre.
Notons – ce n’est certes pas toujours simple à comprendre – que le marché du carbone ETS va absorber une part de ces émissions de CO2 émises sur le sol belge ! C’est indéniable ! En effet le marché fixe un plafond d’émissions de CO2 au niveau européen qui ne sera pas dépassé, que l’on installe des centrales au gaz belges ou pas… En conséquence, par un jeu de vase communicant, faire tourner des nouvelles centrales gaz belges va entraîner une diminution du recours à des centrales plus polluantes ailleurs en Europe.
Le scénario de « sortie par le haut » : une transition accélérée.
Faire tourner un minimum ces fameuses centrales gaz et donc émettre le moins possible de CO2 est à notre portée et ne dépend que de nous ! Plus vite nous installerons les alternatives au nucléaire et au gaz, moins nous émettrons de CO2.
Accélérer l’installation des alternatives au nucléaire et au gaz en Belgique est, de fait, la clé de voûte du débat. C’est la « sortie par le haut »…
Les projections réalisées par Elia sont claires. Pour sortir du nucléaire en 2025 sans risque sur la sécurité d’approvisionnement, il faut accélérer le développement des alternatives en ligne avec les projections du Plan Energie Climat remis par la Belgique à la Commission européenne en 2019. Ces objectifs sont un minimum à atteindre.
IEW invite à aller bien au-delà des projections de ce plan de 2019. Il est temps de mettre le turbo à la transition énergétique belge ! Et le maintien des deux réacteurs est un frein indubitable à cette évolution. Avec 2 réacteurs en activité, nous aurons par exemple des moments de surproduction d’électricité qui vont se multiplier, entrainant l’arrêt d’éoliennes, ce qui affectera leur rentabilité.
Il est trop tard pour un débat sur la prolongation
Les partisans d’une prolongation du nucléaire arrivent comme les carabiniers d’Offenbach… Le seul scénario positif pour la Belgique est une « sortie par le haut ».
Il est temps que les Régions, que les citoyens, que les entreprises… tous ensemble se retroussent les manches pour accélérer le développement du renouvelable, du stockage, de la flexibilité, de la réduction des gaspillages…
La Belgique n’a jamais été si prête. Même si c’est probablement un sport national de remettre tout en cause à deux doigts la ligne d’arrivée.
Changer de cap maintenant serait une erreur historique. (Communiqué)