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Féminisme contre démocratie. Un tiers voire la moitié de femmes dans les collèges communaux dès demain

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                                                                                                             © P. Neufcour

Si certains l'ignoraient encore, Chales Havard, le Directeur Général de la ville de Visé est une "pointure" dans le monde des administrations communales. Nous vous faisons part ci-dessous de la réflexion qu'il vient de nous envoyer concernant un "texte anti-démocratique (NDLR)" que le Parlement wallon doit voter aujourd'hui.

Dans une ignorance quasi-généralisée, le parlement wallon s’apprête à voter en séance plénière, ce mercredi 6 septembre, un texte destiné à ‘garantir une présence équilibrée de femmes et d’hommes au sein des collèges communaux et provinciaux de Wallonie’. Tout collège de pouvoirs locaux devra comporter au maximum deux tiers de membres du même sexe. Actuellement, un collège communal ou provincial doit comporter au moins une femme.

Un collège communal en Wallonie est composé d’un bourgmestre, d’un président de CPAS et d’un nombre d’échevins variant selon la population, de 2 dans les communes de moins de 1.000 habitants à 9 dans les communes de plus de 200.000 habitants. Un grand nombre de communes wallonnes se trouvent entre 10.000 et 30.000 habitants et le collège comporte donc 7 membres dont 5 échevins. Pour être complet, le collège peut se réduire d’une unité. Donc pour un collège communal de 7 membres, il faudra à l’avenir au maximum deux tiers d’hommes, soit 4 hommes avec 3 femmes, ou l’inverse, ce qui équivaut de facto à une répartition moitié-moitié.

Au départ ce fut une initiative de deux députés wallons écolos, Monsieur Hazée et Madame Ryckmans. Chaque député est en effet en droit de proposer des textes décrétaux indépendamment des projets du gouvernement. Par un engrenage au sein de la commission des pouvoirs locaux du parlement wallon, les députés de tous les partis ont fini par se rallier à la proposition. C’était le 11 juillet 2017 et la modification en gestation a échappé à presque tous les observateurs, qu’ils soient issus du monde communal ou de la presse. La torpeur de l’été, les caméras sur la métamorphose du gouvernement wallon ont escamoté la diffusion de la nouveauté dans les bases locales. Ce 6 septembre 2017, le texte sera soumis au vote en séance plénière et deviendra texte légal alors même que la plupart des députés qui le voteront ne sont pas intimement convaincus de sa pertinence. Or il est ignoré dans les fondements des communes. Il va provoquer des secousses sismiques dans la majorité des communes de Wallonie.

L’idée est certes noble

Assurer une plus grande présence des femmes dans les exécutifs locaux, c’est une tendance depuis plusieurs décennies. Les listes électorales doivent être paritaires, avec l’alternance parfaite homme-femme appelée tirette. L’électeur reste cependant libre de voter pour qui il veut. Les hommes restent majoritairement élus par l’électeur, parce qu’ils disposent peut-être de plus de temps pour s’investir dans le monde politique. Mais de nombreuses femmes ont percé dans les règles ordinaires. Il y a de nombreuses femmes bourgmestres, échevines et présidentes de CPAS. Elles y sont parvenues par leur propre valeur, par le choix de l’électeur et le monde masculin a toujours accueilli ces femmes populaires. Ici avec des quotas obligatoires on contourne les choix électoraux. On va imposer des membres de collèges locaux qui n’ont pas été choisis par l’électeur et on privera de responsabilité certains hommes qui eux ont été plébiscités dans le scrutin. Au terme des échéances électorales locales de 2018, comment expliquera-t-on à l’électeur qu’un homme qui a obtenu 1000 voix de préférence ne peut devenir échevin pour laisser la place à une femme qui a récolté 200 voix de préférence ?

Les quotas, point final

Cette proposition de décret est contraire aux attentes des citoyens, au respect des votes exprimés et il va à contre-courant du vote des électeurs. Il va éloigner le mandataire de l’électeur qui ne comprendra pas ces échanges. D’un côté, avec l’élection quasi-directe du bourgmestre, on dit à l’électeur qu’il a son mot à dire pour le choix du premier magistrat communal, mais, d’un autre côté, on lui dit que s’il ne vote pas pour des femmes, on les lui imposera quand même.

Faut-il pratiquer de la démocratie dirigiste ? Je ne le pense pas. Ce décret va encore plus compliquer le paysage de la gestion publique locale. On sombre davantage encore dans la complication et l’opacité. Les ténors locaux auront un sordide jeu de monopoly à jouer et devront se livrer à un triste marchandage pour savoir qui se sacrifie pour les femmes prioritaires. L’électeur n’en sera que plus dégoûté. Et pourquoi se limiter aux femmes ? Pourquoi ne pas aussi créer d’autres quotas pour assurer au sein des collèges communaux la présence de jeunes, de retraités, d’homosexuels, d’allochtones, de chômeurs, etc. ? Le brouillard va s’épaissir autour de l’institution communale.

Ce décret va provoquer le découragement

Ce mécanisme dirigiste va aussi provoquer du découragement. Les volontaires compétents ne sont pas si nombreux qu’on peut l’imaginer pour s’investir dans la gestion publique. Les candidats qui seront écartés pour faire place aux réservataires seront amputés de leur énergie future et ils seront perdus pour l’administration locale.

Et si les élues n’ont pas l’ambition de monter au collège communal, que deviendront-elles ? Tout conseiller communal n’a pas le désir de s’investir dans l’exécutif. Seront-elles sanctionnées en cas de refus ? N’y aura-t-il pas encore de sourdes pressions ?

Enfin, n’aurait-on pas pu consulter la base locale avant de la dynamiter ? Les penseurs du parlement wallon ont concocté ce texte sans même prendre la température dans les communes ? Les bourgmestres, échevins et présidents de CPAS ne sont même pas au courant de qui se trame dès demain et qui va exploser l’alchimie électorale. Le gouvernement wallon ne comporte que deux femmes sur sept membres, mais la Wallonie imposerait à toutes les communes d’en avoir trois là où elle ne pratique pas elle-même sa propre norme. Il urge de diffuser l’information dans les fondements de la démocratie que sont les communes pour qu’un appel à la raison et à la réflexion soit adressé au parlement wallon avant qu’il ne sape la crédibilité d’un grand nombre de collèges communaux. Et c’est ce mercredi que cela va se passer.

On me taxera peut-être de misogynie pour mes propos tenus, mais il urge d’exprimer certaines vérités simples qui raffermissent la vraie démocratie et pas les soi-disantes avancées dont on se congratule et qui ne sont finalement que des reculades dans la limpidité démocratique.

 

Charles HAVARD

Directeur général d’une commune de 17.500 habitants

Auteur de l’ouvrage ‘Manuel pratique de droit communal en Wallonie’.

Que dire de plus ?

Encore une fois, l'électeur, vous, moi, allons nous faire "rouler dans la farine" sous de fallacieux prétextes. Une preuve de plus, si besoin en était, qu'en politique, la compétence de l'individu, qu'il soit homme ou femme, importe peu. En ces temps troublés, où le citoyen lambda ne perçoit plus le monde politique que comme une "soupe glauque" est-il bien utile d'en rajouter encore ? A chacun son avis, mais personnellement, je ne me sens pas rassuré par les décisions de ceux qui veulent s'affirmer comme "les gardiens de la démocratie. (P. Neufcour)

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