C'était une initiative de la Maison de la Laïcité de Visé. Quelle excellente idée! Inviter Paul-Henri Thomsin à rencontrer les élèves de 5ème langue de l'Athénée Royal de Visé.
Paul-Henri Thomsin, rares sont ceux parmi nous qui ne le connaissent pas. Il nous explique son parcours : "J'étais instituteur, nous dit-il, et un jour de 1974 ma directrice est venue à ma rencontre et m'a suggéré de participer avec ma classe à un concours de "déclamations" en wallon. Elle m'avait présenté quelques petits textes, mais après les avoir lus, je les trouvais surannés. Je me suis dit "autant en écrire moi-même!" et c'est ce que j'ai fait. La littérature wallonne m'a plu et j'ai continué dans cette voie"
C'est ainsi que toutes les semaines dans le "Vlan", vous pouvez retrouver sa chronique et l'entendre tous les matins à la radio.
Notre orateur s'adresse d'emblée aux jeunes et à leurs professeurs en demandant à ceux qui parlent wallon de lever le doigt. Immobilisme total de l'assistance. A la question "Qui comprend un peu le wallon?", là, quelques mains se lèvent timidement.
Qui parmi vous, demande-t-il, a déjà entendu le mot "binamé"? D'expliquer alors que le sens de "gentil", vient de bien aimé, ainsi que le "Mamé" adressé à un enfant n'est jamais que l'adaptation de "mon aimé". Paul-Herni explique alors à son auditoire, extrêmement attentif et amusé, que nous devons être fiers de notre parler, nous les Liégeois. En effet, où, autre part que chez nous parle-t-on de "chique", de "chiclette"? Nous devons être fiers de nos particularismes et de notre accent, au lieu d'en être gênés, et d'évoquer l'assang de Marseille, le parisien coincé, le suisse traînant, ou le canadien qui "prend son char pour aller magasiner".
"Nous, les Liégeois, nous ne sommes pas faits comme tout le monde, nous sommes bilingues de naissance, nous devons certainement avoir un gène "W" greffé quelque part dans notre ADN"
Paul-Henri explique alors à son auditoire que le Wallon est une langue à part entière, qu'il ne s'agit pas d'un patois quelconque. Il est issu du "latin de cuisine" des légionnaires de Jules César et du parler Gaulois et Celte. Notre langue a évolué parallèlement au français. Le wallon possède ses propres dialectes régionaux, mais est bien une véritable langue.
Qui n'a jamais entendu quelqu'un s'adresser à un autre en lui disant "vîx cou"? Et nos trouvons tous cela normal, alors que nous ne dirions jamais "vieux cul" à quelqu'un que nous apprécions! Un parallèle est alors fait avec d'autres langues : en français, "regarde le lapin" se dit en anglais "look the rabbit" tandis que le Wallon dira "louk li robète". Notre poêle, -li stouve pour nos grands parents- est "a stove " outre-Manche et "la stova" en Italie.
En Belgique, 1914 a été une année charnière pour l'usage de la langue wallonne, elle a été interdite dans les écoles. Nous nous sommes donc trouvés - à l'insu de notre plein gré- à parler une langue que nous ne possédions pas parfaitement. Sont alors apparus, avec l'accent du terroir, les "tomber bas" au lieu de choir, les "monter en haut ou descendre en bas", pléonasmes si il en est, "mettre avec" est notre "participer".
Où d'autre que chez nous trouvera-t-on des "gauff' au suc". Et qui "met la tâb' " au lieu de dresser le couvert.
Notre chien "hawe", on peut se faire "spritchî" (éclabousser) par de l'eau ou "språtchi" par un camion (écraser : là, on a même le son). Spiter ou spitant sont parmi nos onomatopées régulièrement utilisées. Chez nous, l'hiver, "il chasse en dessous de la porte". Dans quel autre pays chasse-t-on de cette façon? Si je demande "un d'mi" dans un "café" en France, pour qui me prendra-ton? Qui sait ce qui est réellement arrivé si je dis que "la lichette de mon paltot est décousuwe ?". Quant à demander une "petite noquette de beurre pour mettre dans ses crompîres"...
Tous ces mots savoureux, que nous utilisons, ou comprenons à tout le moins, ont fait que les jeunes étudiants se sont rendus à l'évidence : Bon sang, mais c'est bien sûr! Ils comprennent le wallon et ils ne le savaient pas! Un peu comme monsieur Jourdain qui s'exprimait en prose.
Et d'une manière ludique, on évoquera les "ma mère a fait le trottoir", "mon père a acheté une gazette à l'aubette", "elle a lavé son devant à l'eau","quéne biesse, il s'est pèté la tête contre le mur", "j'ai eu bien bon, je suis allé dehors et j'ai rencontré une belle crapaude. J'aimerais bien de hanter avec elle, mais il faudra que je demande l'entrée! Le plus dur ce sera sûr de ne pas aller dans l'armoire avant 4 heures"
Rassurez-vous, personne n'est "tombé dans les pommes" en apprenant que "perdre ses yeux" était le synonyme de "pèter de sa maclotte"
A l'issue de cette rencontre, nous avons interrogé plusieurs élèves afin de savoir ce qu'ils pensaient de l'heure et demie qu'ils venaient de passer. "Génial, magnifique, splendide, marrant, excellent" ont été les qualificatifs les plus souvent cités.
Merci monsieur Thomsin, d'être le "passeur de langue" que vous êtes. (P.Neufcour)
(Quelques photos dans l'album en marge droite)